Reynald Dionne

 

Began at the Department of Transport in 1960. Retired from the Department of Transport in 1995. Radio operator from 1960 to 1967.

Début au Ministère des Transports en 1960. Retraite du Ministère des Transports en 1995. Opérateur radio de 1960 à 1967.

 

 

 

Voici ma petite histoire

qui vous permettra de suivre mon cheminement de 1941 à 1967

par Reynald Dionne

 

Je suis né à  St-Ulric de Matane le 14 aout 1941,  premier enfant de la famille à laquelle viendra s’ajouter deux autres garçons et une fille.  Mon père était soudeur et travaillait à ce moment là à la construction du barrage hydro-électrique de Métis.  Peu de temps après, la famille a déménagé à Price, petit village près de Mont-Joli, ou les trois autres enfants sont nés. 

 

Mon père est décédé en 1947 à Borden PEI ou il travaillait à la construction du quai des traversiers.  N’ayant pas d’attache à Price, la famille est déménagée à Rimouski.  J’ai fait mes études primaires à Rimouski et par la suite les études secondaires chez les Clercs de St-Viateur à Sully dans le Témiscouata. 

 

Il faut dire ici que la vie ne fut pas facile, plus de père pour mettre de la bouffe sur la table et quatre enfants en bas âge,  une chance que notre mère était une femme débrouillarde et très travaillante.   Avec beaucoup de travail et une bonne santé on est passé au travers.  Quand je pense à tout cela aujourd’hui, c’est incroyable toutes les anecdotes et histoires qui me viennent à l’esprit mais passons, autrement ce document n’en finira plus de finir. 

 

En 1957-58 je suis à l’Institut de Marine de Rimouski en radio communication avec bon nombre de compagnons avec qui je cheminerai jusqu’à la retraite.  Il faudrait dire que je me suis retrouvé en radio un peu par défaut car mon désir en allant à l’EMR était de suivre le cours de navigation pour éventuellement devenir capitaine mais j’avais besoin de lunette et le directeur, le Capitaine Roland Gendron m’avait prévenu que je ne pourrais pas passer de classe sans une vision 20-20, comme je n’avais pas de plan ‘B’ j’ai choisi la radio.  Le prof principal,  Anatole Ouellet est excellent ainsi que les autres profs entre autre Normand Frenette, Monsieur Landry ‘’père de mon chum Bill’’ et bien d’autres.  Mais à la fin du cours, il y a un petit problème, je suis trop jeune pour me présenter à l’examen du ministère, je n’ai que 16 ans et je décide donc de reprendre mon année à l’Institut de Marine en 58-59. 

 

Au cours de ces deux années, je me suis fait de bons copains qui, pour plusieurs, ont suivi le même chemin que moi tout au long des 35 années de ma carrière.  Pour en citer quelques uns je me dois de mentionner: Lucien Misson, Pierre Pageau, Raymond Douville, Claude Higgins, Richard Couture, Ronald ‘Ron’ Landry, Rodolphe ‘Bill’ Landry et d’autres qui m’excuseront de ne pas mentionner leur nom.  J’en profite pour les saluer.

 

L’Institut possédait un Navire École, le St-Barnabé servant de complément de formation pour les cadets de navigation et de mécanique durant l’été.  Comme ce navire prenait de l’âge, un nouveau navire, le St-Barnabé 2, de son nom original, le Thorlundy, est acheté en Écosse et le Capitaine Rodolphe Ouellet ira le chercher afin de l’amener à Rimouski.  Cependant cette aventure ne fut pas un succès car le nouveau navire n’était pas en très bonne condition et sa fonction de navire école fut de courte durée.

 

Après avoir obtenu ma Licence, en septembre 1959 je me dirige vers Montréal avec mon copain Raymond Douville et nous passons à Trois-Rivières justement le jour des funérailles de Maurice Duplessis.  On se rend à Montréal voir Ed Lipinsky.  Le Bureau Régional est alors situé près de l’ancien terminal Domestique, c’est comme cela qu’on l’appelait, car la construction du présent terminal aéroportuaire P-E-Trudeau n’est pas encore terminée.   Mais encore là un petit problème,  mon anglais n’est pas tellement bon et Lipinsky décide d’en prendre seulement un et c’est Raymond qui remporte.  Je retourne donc à Rimouski au grand désespoir de ma mère et je passe l’hiver à suivre des cours d’anglais.

 

Le 1 aout 1960 je rencontre à nouveau Ed Lipinsky à Dorval et je débute avec Transport Canada.  Je passe le premier mois à Montréal Radio.  De la fenêtre de la station on peut voir la gare du CN de Dorval et j’ai l’occasion de voir partir de cette gare le dernier voyage transcanadien d’un train de passager mue par une locomotive à vapeur en service régulier. 

 

En septembre je me retrouve à Ottawa, aéroport d’Uplands au nouveau Centre de formation,  communément appelé ASTS, sur le cours numéro 3 ou je suis le premier francophone sur ce nouveau cours.  À ce moment là le centre de formation est sous la direction de Art Johnson, qui ‘by the way’ est francophone mais qui se gardera bien de le dire à qui que ce soit tout au long de sa carrière car en ces années obscures, être franco dans les hauts échelons de Transport Canada ce n’est certainement pas un gage de succès. 

 

En 1960 on assiste à une évolution importante de l’aéronautique, en effet c’est durant cet automne 1960 que Trans-Canada Airline, qui deviendra Air Canada en 1964, fait les premiers essais des gros réactés dont les DC-8 et 707 à l’aéroport d’Ottawa.  Plusieurs nouveaux modèles d’aéronefs réactés viendront remplacer rapidement les Vanguard, Viscount et autres turbo à hélice en service à ce moment.

 

Sur le cours  nous étions une vingtaine d’étudiants de diverses origines, plusieurs venaient du Royaume Unis car c’était à ce moment là une source d’approvisionnement d’opérateurs radio.  Le cours se termine pour les Fêtes et je reçois mon affectation pour le Nord et c’est Cape Harrison position géographique  54, 46,25 N   58, 26,12 W, sur la côte du Labrador.   Position relevée sur Google Earth.

 

Un peu d’histoire encore une fois,  à ce moment, les stations du Labrador dont: Goose Bay, Cape Harrison, Hopedale, Cartright, Indian House Lake et quelques autres, font partie de la Région du Québec.  Le Labrador étant un territoire qui n’avait pas été donné à Terre-Neuve lors de sa venue dans la confédération canadienne en 1949.  Si vous regardés des cartes géographiques de ce temps, vous remarquerez que le Québec est beaucoup plus beau avec ce morceau en plus, les newfees ne seront pas d‘accord mais enfin... .  Ce territoire, donc, faisait toujours l’objet d’un litige entre Terre-Neuve et Québec.  Le Premier ministre de Terre-Neuve Joe Smallwood avait même offert à Duplessis de régler le litige pour 10 millions de dollars ce que Duplessis avait refusé espérant l’obtenir pour rien de la part du Gouvernement Britanique.  Comme chacun le sait la balance a penché de l’autre côté et le pauvre Maurice doit se retourner dans sa tombe en pensant à cela.  Cela nous aurait au moins évité les problèmes au sujet des chutes Churchill.

 

Donc je me retrouve à Montréal le 3 janvier 1961 en partance pour le Nord.  On annonce mon vol et lors de l’embarquement je constate qu’il s’agit d’un DC-4 de Nord Air rien de neuf évidemment,  l’avion se lance sur la piste et oh malheur, à mi chemin un petit problème de moteur et on a toutes les misères du monde à s’arrêter avant le bout de la piste et les bancs de neige.  Quand on n’a pas beaucoup d’expérience avec les voyages aériens ce n’est pas tellement rassurant.  Il faut dire qu’il faisait très froid ce qui n’a certainement pas aidé.  Après un retour au terminal et deux heures d’attente nous voila de nouveau  dans le même avion, en route pour Goose Bay lieu de départ pour les vols de service vers les plus petites stations.  J’y reste un bon deux semaines car la météo n’est pas très bonne, il n’y a pas de piste à Cape Harrison et la glace n’est pas encore assez épaisse pour atterrir sur la baie.  Ce petit ‘break’ me donne l’occasion de voir la base aérienne de la USAF ou se trouve la station de radio et de rencontrer les opérateurs avec qui je travaillerai dans le futur. 

 

 Le 13 janvier c’est le grand départ, l’avion, un Otter, appareil très commun dans le nord, nous mène à bon port et je me retrouve à ma nouvelle demeure pour la prochaine année.  L’OIC, Pat Byrne, un Newfie,  me souhaite le bonjour ainsi que Brian Harrold,  un irlandais de la région de Limeric, venus au Canada après des séjours sur les navires de la Royal Mail britannique.  Le mécanicien, Maurice Naud, un français de la région de Bordeaux est très sympa comme disent les français et bon joueur de cartes, son jeu préféré, la belote.  Le personnel va et vient et finalement je me retrouve seul avec Pat pour le reste de l’hiver pour faire fonctionner la station, soit le radio phare, anciennement un ‘Range’  à cinq tours mais dont seulement celle du centre était encore en opération,  nous faisons les rapports météo et envoyons les ‘PY Ball’  jusqu’à ce que nous manquions d’hydrogène pour les faire voler.

 

 Nos communications en télégraphie avec Goose Bay s’effectue sur 160 Kcs une très basse fréquence ce qui, je crois, n’est pas très courant même en 1961.  Deux sur la station c‘est comme tranquille, Pat s’occupe des génératrices et on fait notre popote, on travaille sur deux ‘shifts’, il n’y a pas grand chose d’autre à faire.  Heureusement nous avons une assez bonne installation de radio amateur, pas tellement puissante toutefois, un petit transmetteur Collins 32RA output 50 Watts, je sais que ça a l’air de rien, mais avec un bon système d’antenne et étant situé au bord de la mer nous surprenions bien des gens par la qualité de notre signal.

 

Concernant la station de Cape Harrison il faut dire que cette station avait été mise en place par l’armée américaine durant la guerre 39-45 et on pouvait encore voir un nid de mitrailleuse 50mm sur les hauteurs derrière la station avec des centaines de cartouches vides.  Il devait certainement y avoir des moyens de  défense plus importants mais rien n’en subsistait.   La raison principale de l’établissement d’une station à cet endroit est que pour les avions arrivant d’Europe, c’était le meilleur point de repère en ligne droite avec Goose Bay.  Dans les années 40 et 50 les moyens de guidage pour les avions et navires n’étaient pas très développés et cette station était fort utile.  On pouvait voir au centre de la baie du coté est, les restes d’un cargo d’approvisionnement qui y avait fait naufrage ainsi que la dépouille d’un Canso dans le fond de la baie.  Les milliers de barils vides, les ‘drums’ comme on les appelle sont probablement encore là aujourd’hui en train de finir de pourrir et demeurent les vestiges d’une occupation sans intérêt pour l’environnement. 

 

Bon, trêve de ‘plaisanterie’ et parlons un peu de mon histoire.  Le personnel technique va et vient de temps à autre lorsque les problèmes techniques le nécessitent.  Un tech de Goose Bay nous visite de temps en temps, un certain Jack Willis qui est très apprécié.  Un nouveau mécano arrive, c’est un gars de Hébertville au Lac St-Jean, Jules Bilodeau, il ne parle pas anglais et je me souviendrai toujours de le voir débarquer de l’avion, regarder aux alentours et sans dire un mot il voulait reprendre l’avion et s’en retourner.  Je parle au pilote en débarquant le courrier et les provisions et je l’entends dire en français:  ‘y’a encore juste des anglais icitte’.  Je lui réponds en français, à son grand étonnement, que ce n’est pas le cas, je crois que c’est cela qui l’a fait rester et il ajoute tu parles d’un trou, l’année va être longue.  Mon ami Jules s’est habitué rapidement et il aimait bien l’endroit après quelque temps.  Arrive aussi un nouveau cuisinier, Léo Labelle, tout un numéro.  Celui-ci, un ancien ‘staff sargeant’ dans les Forces canadienne est un excellent cuisinier et ca fait tout un changement avec la cuisine de Pat et la mienne, à ce sujet il me revient une foule d’histoire mais passons. 

 

Bien que nous soyons dans un endroit isolé, le territoire n’est pas sans occupants, le plus ‘proche’ village est à quarante milles c’est Makovik, une petite bourgade d’environ 400 habitants composé d’esquimaux et de blancs, des ‘natives’ comme on les appelle.  Il y a un comptoir de la Northern Labrador Affairs ainsi que la Mission Monrovian, à ce moment il y en avait dans presque tous les petits villages de la côte.  Le rôle du comptoir est de fournir le matériel et les vivres, un genre de magasin général.  Il agit aussi comme unique acheteur des produits de la pêche soit la morue séchée et les barils de d’ombles salés qui sont crédités au compte des clients.  Il faut dire que dans ces villages, il n’y a pas d’argent en circulation, tout est question de crédit et de débit lorsque vous avez besoin de fourniture au magasin. 

 

Le responsable de l’ordre et de la chasse, un genre de Garde-chasse, Bill Anderson, un gentil personnage qui nous visite assez souvent lors de ses voyages de chasse au caribou car les bons territoires de chasse durant l’hiver sont dans l’arrière pays entre la station et Goose Bay. 

 

Juste derrière la station, il y a les monts Bénédict, élévation maximale de près de 700 mètres et la meilleure passe est justement derrière la station.  Au sujet des monts Bénédict, il s’agit là d’une très ancienne formation géologique, probablement dans l’ordre des monts Tongat que l’on retrouve plus au nord mais beaucoup moins imposante.  On pouvait y observer le travail des glaciers qui au cours des dernières glaciations on laissé sur les pentes de ces monts de nombreux et énormes cailloux arrondis souvent en équilibre instable et pesant plusieurs dizaines de tonnes.  Dans le granit de ces monts on pouvait voir une grande quantité de petites Labradorite, une sorte de pierre semi-précieuse mais à mon sens pas assez grosse pour être intéressantes.  D’ailleurs, la pointe de terre sur laquelle est construite la station est constituée d’un immense Esker composé de couches de gravier successives qui passe de gros cailloux en profondeur au gravier fin en surface d’ou la couche de beau sable fin  d‘environ 8 mètres d’épaisseur qui recouvre cette pointe de terre et les plages avoisinantes.  En allant vers le bout de la pointe on peut voir justement les cailloux de plus en plus gros, le sable fin ayant été érodé pas la mer.  Signes évidents du travail des glaciers au cours des âges. 

 

Au fond de la baie on pouvait encore voir les vestiges d’un ancien village composé d’une vingtaine de maisonnettes dont les occupants ont été regroupés à la fin des années 50, dans des villages plus important afin de faciliter la fourniture des services.  On connait l’histoire de Nain et autres villages semblables dont on parle assez souvent encore aujourd’hui. 

 

Les esquimaux et les blancs nous visitent aussi assez souvent et la station offre une halte très appréciée avant ou au retour des voyages de chasse.  Nous avons une grande chambre avec des matelas et ils peuvent manger à notre table,  ce qu’ils aiment le plus c’est le Irish Stew, on n’a pas de problème avec ca,  ils peuvent bien tout le bouffer.  Lors de ces visites, question d’agrémenter les soirées, on sort le projecteur 16mm et c’est le temps des petites vues de l’Office National du Film.  Pour les plus jeunes, les jeux vidéo n’existent pas encore et la télé n’est pas rendue là, il n’y a même pas de téléphone.  C’est, on pourrait dire, l’âge d’or des opérateurs et de la télégraphie.  Les films les plus appréciés sont ceux traitant des troupeaux de caribous de l’Alaska et des T-N-O ainsi que les plages de l’Ile du Prince Édouard et de la côte américaine avec les bikinis évidemment. 

 

Personnellement j’aime bien ces visiteurs et j’en profite pour me construire un petit lexique français-anglais-esquimau question d’agrémenter ma culture.  Je me souvient des frères Semignac qui un jour reviennent de la chasse, un voyage de deux semaines entièrement bredouille, ils sont partis avec un traineau de 7 chiens et au retour il n’en reste que 5, ils nous ont dit qu’un des chien était mort durant le voyage mais ils n’ont rien dit au sujet de l’autre chien manquant.  Les deux esquimaux ont certainement eu un voyage difficile et les chiens encore plus, en fait quand les pauvres bêtes ont été détaché du traineau ils ont tous les 5 sautés dans un drum de vidange et seul les 5 queues dépassaient tellement ils étaient maigres.  On les a gardés à la station pendant 5 jours pour les remplumer un peu, autant les hommes que les bêtes.  Ca fait parti des souvenirs que l’on n’oubli pas.  Des souvenirs de Cape Harrison j’en ai bien d’autres pour la plus part plus réjouissant mais comme je ne désire pas en écrire un livre je vais changer de sujet.

 

 

Arrivent, en janvier 1962, un groupe de tech de Montréal qui vienne installer une nouvelle fournaise qui nous est arrivée sur le sea lift en remplacement de celle mise en service par les américains de nombreuses années auparavant.  Ils sont 5 ou 6 dont MM Farell père et fils mécaniciens.  À l’arrivée de gens de l’extérieur lorsqu’on est dans un endroit isolé, tout le personnel attrape le rhume et autres microbes auxquels on n’est pas habitué, c’est toujours comme ca.  Les petites réparations débutent et tout se présente bien, mais quand ca va trop bien il faut se méfier comme dit la loi de Murphy. 

 

 

Nous sommes maintenant au matin du 17 janvier 1962.  Comme mentionné, la raison principale de la visite des techs est de remplacer la fournaise mais ce n’est pas une mince affaire en effet cette fournaise est énorme, toute soudée et sur un plancher de béton.  On n’a pas le choix et on doit couper au chalumeau.  Bien que nous ayons pris toutes les précautions requises, un incendie débute près de la ligne d’huile à chauffage et est éteint immédiatement.  Mais un grondement sourd et grandissant attire l’attention,  oh malheur, le feu est descendu le long du tuyau d’huile et le dessous du plancher de béton est en flamme.  La fournaise est là depuis fort longtemps et le sol est imbibé d’huile, impossible d’éteindre par le haut, on coure dehors mais la porte d’accès du sous-sol est prise dans la glace impossible de faire quoi que ce soit.  Il est facile de deviner que tout a flambé,  en une heure, la bâtisse de 110 pieds de long en forme de L n’est plus qu’un amas de ruines fumantes.  Jos Vallily qui est maintenant l’OIC se rend au transmitter building pour demander du secours car la salle d’opération située dans le staff house est aussi détruite.  Au début de l’incendie, l’opérateur en devoir avait mentionne à Goose Bay que de la fumée s’échappait de la ventilation et ils n’ont pas été surpris de recevoir un SOS de notre part.  Chose un peu drôle, il n’y avait pas de clé de télégraphie au ‘transmitter bldg’ et l’OIC Jos Vallely envoyait les messages avec deux bouts de fil.  Question de confirmer ce qui nous arrivait, deux avions d’entrainement américains qui étaient dans le secteur, des T-33 Silver Star, sont venus faire quelques passes au dessus de nous pour confirmer. 

 

Tout se met alors en branle pour nous rapatrier.  Mais nous ne sommes pas en danger car, comme chacun le sait, tous les endroits isolés ont une bâtisse d’urgence un ’’emergency shelter’’ et nous l’avons utilisé sans problème.  En fait l’ensemble de la station comptait au moins sept bâtisses différentes et bien espacées les unes des autres et plusieurs étaient chauffées, les génératrices, le radio phare ainsi que l’entrepôt de nourriture étaient intactes donc pas de réel problème, on aurait pu y passer l’hiver facilement.  Jules le mécano et moi avons d’ailleurs proposé à la Direction de retourner à la station afin de maintenir le radio phare en opération mais la proposition a été refusée.  Nous avons même eu droit à un parachutage de caisses de sandwiches et de vêtements chauds dont nous n’avions aucunement besoin.  Je me souviens  d’une des caisses de sandwiches dont le parachute ne s’était pas ouvert et qui a, en quelque sorte, explosé en arrivant au sol,  nos 5 chiens ont bien aimé ce lunch gratuit.  Un des parachute est demeuré ouvert lorsque le gros panier d’osier auquel il était attaché a touché le sol et le vent l’a emporté au large, trop loin, nous ne l’avons pas récupéré.

 

 

La piste sur la baie était jalonnée et un Otter est venu nous chercher le lendemain.  Nous avions tellement de bagage qu’il était impossible de fermer la porte complètement alors on l’a attaché avec de la broche laissant un espace ouvert de 2 à 3 pouces.  Il faisait tellement froid que les vitres étaient complètement gelées et nous aussi, mais enfin, tout s’est bien terminé et nous sommes arrivés à Goose Bay en toute sécurité.  Court séjour à l’hôpital des Forces afin de s’assurer que tout était normal et nous sommes allés prendre une bonne 807 --une bière--  pour nous remettre de nos émotions. 

 

Quelques jours plus tard, un DC-3 du Ministère, CF-DTD, est venu nous chercher et nous ramener à Montréal pour la conduite de l’enquête habituelle à la suite d’incidents de ce genre.  Un DC-3, avion pas tellement rapide, alors le voyage a duré près de 12 heures avec l’escale à Mont Joli pour faire le plein et manger un peu.  En traversant de Sept-Iles à Mont Joli, le fleuve n’était pas gelé et on s’est fait brassé en grand,  arriver à Montréal vers 21h et nous sommes descendus à l’hôtel Lasalle sur Drummond.  Je ne sais pas si cet hôtel existe encore mais c’était bien pratique car l’ancien Terminus d’autobus de l’ouest est juste au bout de  la rue et ce sera notre moyen de transport pour Dorval au cours des deux ou trois prochaines semaines.  Le Ministère nous invite à faire une réclamation pour nos pertes personnelles lors de l’incendie mais ils ont certainement perdu ma réclamation de 168 dollars car je n’ai jamais rien reçu. 

 

À la suite de l’enquête je suis allé passer une semaine à Rimouski voir la famille et les amis et par la suite je me présente à Trois Rivières Radio qui est ma nouvelle affectation.  Là je fais la connaissance de Clermont Carrier que je retrouverai au STM plus tard ainsi que Roland Laflamme et quelques autres dont les noms m’échappent.  Mon court séjour à VBK se déroule sans histoire et j’y travaille jusqu’à la fin de mars alors qu’on m’offre d’aller remplacer Ken Reney comme opérateur permanent sur le brise-glace Ernest Lapointe indicatif d’appel CGSZ.  Ken remplaçait temporairement depuis l’automne précédent Dick Reardon qui avait obtenu un poste de technicien.  Étant donné mon intérêt pour la navigation, j’accepte immédiatement et j’embarque sur le Lapointe au port de Trois Rivières le 1er avril 1962,  quelques jours d’entrainement avec Dick Reardon qui était venu pour faire l’inventaire et me voila seul opérateur à bord. 

 

Bien qu’ayant été à l’EMR, j’ai tout à apprendre des navires et de la navigation.  J’adore le travail mais c’est pas mal molo car le Lapointe est un petit navire et il n’est pas en mesure de transporter suffisamment de cargo pour être encore utile pour l’approvisionnement des stations du Nord.  Alors il est affecté durant l’hiver à l’entretient du chenal maritime car depuis que les navires norvégiens sont présents entre Québec et Montréal depuis 1960, le Ministère des Transports par l’intermédiaire du St-Lawrence Ship Channel se doit de maintenir ce chenal ouvert et d’assurer en même temps le contrôle des inondations.  À la fin du printemps le navire effectue le déglaçage des écluses de la Voie Maritime du St-Laurent qui est en service dans sa version agrandie depuis 1959. 

 

Au sujet du Ernest Lapointe, il fut construit à la Davie de Lauzon durant la Guerre 39-45 en 1940 je crois, il n’est pas bien long environ 170 pieds,  à ce sujet il faut dire qu’au départ il devait être environ 60 pieds plus long mais le moteur originalement prévu n’a pu être livré, en effet, le navire transportant le moteur venait des Iles Britanniques et il a été coulé par un sous-marin allemand durant la traversée, le moteur de remplacement disponible n’était pas assez puissant, alors on l’a raccourci.  Comme nous étions en guerre, on avait installé un canon assez puissant sur le pont supérieur et lors des essais, un seul coup a été tiré, ca a fait tellement de dommage abord qu’on l’a enlevé.  La plaque de renfort du pont supérieur est encore là.  Je gagerais qu’il n’y a plus beaucoup de personne au courant de ca.  Au niveau de la propulsion, c’est un navire à vapeur qui brule de l’huile lourde, du bunker c, ce qui laisse une odeur particulière sur le navire.  Il possède deux moteurs donc deux hélices d’acier afin de minimiser les dommages par la glace, les palles de ces hélices sont amovibles question de faciliter le remplacement en cas de bris. 

 

Le navire est sous la direction du Capitaine Robert Marchand, le premier officier François Breton, deuxième officier Rhéal Lottinville, troisième Jean-Paul Ménard.  Chef ingénieur Monsieur Deguyse et le commissaire de bord Aimé Papillon.  Pour ces personnages, une foule d’anecdotes me viennent à l’esprit: François Breton avait acheté l’ancienne voiture de M. Jean Lesage une Oldsmobile 98, très confortable vous pensez et bien équipée.  Autre anecdote concernant Ti-mé Papillon, comme on l’appelait, il avait amassé durant les années 50, alors que le Lapointe allait encore dans le Nord, une collection de sculptures esquimaudes dignes d’un musé.  Son truc, étant commissaire de bord,  lorsque les nouveaux uniformes arrivaient il ramassait les vieux ainsi que les vieilles chemises les faisaient nettoyer et bien presser et les échangeait pour des sculptures, sachant que les esquimaux aimaient ces uniformes et surtout les casquettes des officiers.  Pas mal comme truc.

 

Au niveau de ma tâche comme opérateur, je tiens aussi le registre du personnel de bord, les Articles, c’est le mon de ce registre et il sert principalement à la compilation du temps de mer des marins.  Je fais aussi l’entretien technique de routine et les réparations simples en plus de la correspondance du capitaine.  Comme le capitaine ne parle pas beaucoup anglais, lorsque requis,  je fais la traduction et les communications nécessaires. 

 

Le Lapointe est un petit navire et en ces années glorieuses, il était considéré comme le yacht de la Division.  Il était bien équipé pour cette tâche en plus d’être disponible pour divers travaux de services et d’inspection.  Le navire comptait, je crois, six cabines pour les passagers invités ainsi qu’une salle à diner privée et c’est dans cette salle à diner que le capitaine Marchand prenait tous ses repas.  Les cuisiniers étaient excellents et ce n’est pas pour rien que dans mon premier mois abord j’ai pris trente livres, que je n’ai jamais perdu par la suite.  Je dois dire que le changement de vie plutôt sédentaire sur le navire y est également pour quelque chose.  Nous avons fait plusieurs voyages en plus de nos travaux de sondage sur le lac St-Pierre.  Entre autres, un voyage à l’Ile d’Anticosti ou j’ai eu l’occasion de rencontrer mon ami Jules Bilodeau que j’avais connu à Cape Harrison.  Il était maintenant mécano pour la station Decca de Port Meunier et autres besoins du Ministère. 

 

Parlant de voyage, je me souviens d’un voyage à Chicoutimi avec le sous ministre des Transports Roy Baxter,  un très gentil personnage genre british et comme il ne parlait pas français, j’ai eu l’occasion de parler avec lui à de nombreuses occasions.  Un autre voyage qui me revient à l’esprit; suite aux élections fédérales de juin, le gouvernement Conservateur de John Diefenbaker avait été réélu mais avec un mandat minoritaire contrairement aux élections de 58 ou il avait remporté une victoire éclatante.  Je m’en souviens car en 58 j’avais eu un travail au Bureau de comté des Conservateurs de Rimouski durant la période de ces élections.  Le ministre des Transports du temps, l’honorable Léon Balcer avait conservé son siège et en tant que ministre et il était venu faire un petit voyage question de mieux connaitre le travail de ses troupes et en même temps rencontrer quelques électeurs à Baie Comeau et Pointe au Pic.  C’est certain que les élus ne font plus cela aujourd’hui.... . 

 

Le voyage le plus mémorable et en même temps, un des plus constructif, est celui ou le Lapointe a escorté le remorquage du nouveau pilier du Haut fond Prince.  Pour ceux qui ne sont pas trop familier avec cette aide à la navigation, il s’agit du phare en forme de fuseau qui l’on peut voir à l’entrée de la rivière Saguenay.  Ce pilier remplace le Light Ship no4, ce bateau-phare était en service depuis de nombreuses années et passait les étés à l’ancre pratiquement au même endroit afin de marquer l’entrée de la rivière Saguenay.  Le pilier a été construit à la Davie de Lauzon, remorqué dans la rivière St-Charles afin de le lester de plusieurs centaines de tonnes de béton et de préparer son remorquage.  Le remorquage se fait par des remorqueurs de la McAlister de Montréal et du Georges McKey de Québec, tout se déroule normalement jusqu’à ce que le câble de remorque se brise et que le pilier parte à la dérive.  Heureusement il a été rattrapé à la toute dernière minute alors qu’il allait s’échouer sur la côte de l’Ile Verte.  La mise en position du pilier ne fut pas une mince tache et les communications avec l’ouvrage étaient essentielles, ainsi, à cause du risque, le personnel sur le pilier était réduit au minimum, en fait il n’y avait que l’ingénieur, un ouvrier qui devait ouvrir les vannes et moi qui assurais les communications à l’aide du CN86 avec lequel on avait eu des problèmes et le capitaine Marchand m’avait demandé de m’en occuper.  C’est encore un bon souvenir pour moi chaque fois que je passe dans cette région.

 

Tout se déroule normalement dans le meilleur des monde, j’adore mon travail, l’équipage est formidable, tout va bien.  On dit que lorsque ca va trop bien il faut se méfier ainsi à  la mi-septembre, je parle à mon frère à Rimouski et je dois descendre le voir et on projette d’aller chasser le canard durant cette fin de semaine, finalement le navire est occupé cette semaine là et mon voyage est remis à plus tard.  Mon frère Huques fait son voyage de chasse au Cap à l’orignal, maintenant le Parc du Bic, avec deux de ses amis, Bob Isa et Paulo Roberge.  Ils sont tous les trois portés disparus, on a retrouvé leur chaloupe et leur bagage mais les recherches pour les retrouver n’ont donné aucun résultat.  Ils n’ont jamais été retrouvés.  Je me suis toujours demandé si mon voyage n’avait pas été reporté est-ce que cette chasse au canard se serait terminée différemment,  je ne sais pas, mais ce que je sais c’est que deux fois déjà j’avais sauvé la vie de mon frère mais que cette fois je n’étais pas là. 

 

Pour résumer, la première fois, c’était aussi au Cap à l’orignal, à la Colonie de  vacance on explorait un genre de caverne dans le flanc d’une montagne, nous étions à une cinquantaine de pieds de hauteur il a glissé et j’ai eu juste le temps de l’agripper pour éviter qu’il n’aille se fracasser sur les rochers en contrebas.  La seconde fois avec un ami, durant les vacances des Fêtes, on avait décidé de traverser à l’Ile St-Barnabé sur la glace.  La glace de la batture était très épaisse et ca ne causait aucun problème, mais, car il y a toujours un mais, le chenal de la rivière Rimouski coule à environ mille pieds de l’ile et la glace est très instable surtout au montant de la marée, arriva ce qui devait arriver, mon frère qui marchait en avant est passé à travers la glace et j’ai eu juste le temps de l’attraper par le capuchon de son parka pour éviter qu’il ne coule complètement sous la glace.  Comme il était trempé jusqu’en haut de la ceinture, on a quand même réussi à traverser sur l’ile et allumer un poêle dans un des chalets qui s’y trouve, il s’est fait sécher un peu, j’ai échangé mes bas et sous-vêtements avec lui et nous sommes revenus à la maison à la course afin d’éviter de geler, une distance d’environ deux milles, faut quand même le faire.  Arrivé à la maison, on s’est changé en vitesse et notre mère ne s’en est pas aperçue.  Enfin on ne peut rien y changer. 

 

À la fin de l’automne, dû à certains programmes de restrictions budgétaires, il est question d’enlever l’opérateur radio du navire compte tenu qu‘il est confiné à des travaux et voyages dans les eaux intérieures.  Le capitaine Marchand conteste cette décision de toutes les façons possibles mais rien n’y fait et on m’annonce qu’en janvier mon travail sur le Ernest Lapointe est terminé.  Ainsi donc en janvier 1963, après quelques jours pour faire l’inventaire du matériel avec Dick Reardon la station radio du navire est fermé définitivement.  J’aurai donc été le dernier opérateur radio permanent du navire. 

 

En 1967 lors des Fêtes du centenaire de la Confédération Canadienne on a remis un opérateur radio pour quelques mois et le navire avait été décoré à la saveur de 1867 pour la circonstance.  Historiquement en 1867 il n’y avait pas de service radio sur les navires mais le service radio était quand même fort souhaitable pour une question de sécurité lors des voyages à Charlottetown et autres endroits dans les Maritimes durant ces célébrations. 

 

Je me retrouve en vacances pour une bonne partie de l’hiver car depuis aout 1960 je n’ai pas pris de vacances.  En mars 1963 je me retrouve donc à Sept Iles, ma nouvelle affectation.  Mes nouveaux compagnons de travail, Gerry Bisson, Ron Landry, Jacques Nadon, Émile Bonneau, Martin Coleman, Frank Burchill, big Georges McDougal, Less Russel et quelques autres me donnent l’entrainement approprié.  La station comptait cinq ou six postes de travail dont des postes d’aviation ce qui m’était complètement étranger.  Je me souviendrai toujours de ma première clairance avec le centre ATC de Moncton, c’était un changement complet de route pour un MATS en direction de la Floride, ca été laborieux mais le gars de Moncton était très patient et on est passé au travers.  Je demeure dans l’une des maisons du Ministère sur les terrains de l’aéroport et les célibataires comme moi nous prenons nos repas au restaurant de l’aéroport, le tout subventionné compte tenu de l’éloignement de la ville. 

 

J’aime bien le travail et je commence à m’y sentir plus à l’aise.  Je fais surtout du travail sur le circuit Marine ainsi que sur le point-to-point avec Port Meunier,  il y a un peu de commercial et tous les messages de la Consolidated Bathurst qui est propriétaire de l’ile.  Tous les jours durant l’été, il y a les rapports concernant les prises de saumons des différentes rivières, ca donnait le gout d’aller à la pêche.  Au début de juillet un message entre à la station indiquant que le poste d’OIC au Lac Éon sera libre dans un mois avec la sortie d’Harry White et on demande si quelqu’un est intéressé.  J’y pense quelques jours et finalement je fais application et j’obtiens le poste. 

 

Question de voir l’endroit, je fais un voyage de familiarisation sur un voyage de l’air lift qui est présentement en cours.  L’avion un C-46 de Nordair est en mesure de transporter 700 galons de fuel par voyage et un grand nombre de voyages sont nécessaires pour transporter les quelques 25,000 galons nécessaires au fonctionnement de la station pour les deux prochaines années en plus des provisions et du matériel divers.  Cette journée de familiarisation me permet de rencontrer les gars et de prendre mon premier brochet.  Je décide donc d’y aller et je prends une semaine de vacances afin de me préparer pour le séjour d’un an au Lac Éon.  Ma blonde Denise ne trouve pas ça bien drôle mais elle accepte de faire avec, l’amour ça fait accepter bien des choses. 

 

Début juillet je suis à la Base de Sept-Iles Air Service située au lac Rapide en route pour la station du Lac Éon.  Tout se déroule normalement jusqu’à ce que je me rende compte que ca fait plus d’une heure et trente que nous sommes en vol et le pilote commence à regarder l’horizon plus attentivement.  Au bout de quinze minutes, il sort ses cartes et constate que nous sommes passé tout droit,  nous faisons un 180 degrés et un bon vingt minutes plus tard le Lac est en vue, ca commence bien.  L’OIC Harry White quitte sur le vol de retour et me voila en charge de la station. 

 

Un peu d’historique au sujet de la station.  Durant les années 50 un besoin de plus en plus pressant se fait sentir avec l’augmentation du trafic aérien sur cette route, compte tenu que les avions ne sont pas encore tellement rapides et volent plus bas que les gros porteurs d’aujourd’hui ainsi une station pour le relais des positions était nécessaire.  Une station fut d’abord installée une vingtaine de milles à l’est de la station actuelle mais il n’était pas possible d’y construire une piste pour les situations d’urgence.  Ainsi le site de Lac Eon fut identifié et une nouvelle station construite à cet endroit.  La position géographique est 51.51.14N 63.16.42W qui correspond à la piste d’atterrissage d’urgence – voir sur Google earth ou on peut très bien voir le site. 

 

Ce site a servi à quelques occasions dont une situation d’urgence impliquant un C-119 Flying Boxcar des forces armées ou plusieurs vies ainsi que l’appareil ont été sauvés.  En 1964 nous avions encore près de la piste de nombreux barils d’essence avec 130-145 en indice d’octane servant à cet appareil.  On avait dû l’alléger afin qu’il puisse repartir sur une piste de seulement 3000 pieds.  Au niveau des fonctions de la station, il y avait les rapports météo sur le SA-109 à toutes les heures ainsi que les synopsis aux 4 heures et le relai des positions des avions utilisant les altitudes de moins de 25 mille pieds et qui ne pouvaient pas rejoindre Sept-Iles ou Goose Bay.  Nous avions bien sure le radio phare ainsi que la surveillance des fréquences aéronautique de détresse.

 

Le personnel va et vient et j’ai l’occasion de travailler avec plusieurs opérateurs dont Bob Ford, Denis Borotsik, John English, Gilles St-Pierre, Gerry Young et quelques autres.  Je retrouve un mécano connu, Monsieur Gagnon et par la suite Norman Duncan un gars de Mont Tremblant.  Je retrouve aussi mon ami cuisinier Léo Labelle que j’avais connu à Cape Harrison deux ans auparavant, le monde est petit.  La vie se déroule lentement au gré de la cédule de travail et nous profitons au max du temps off pour la chasse et la pêche.  Quelques caribous et autres gibiers viennent agrémenter nos menus.  L’hiver se passe bien, très peu de neige jusqu’en mars alors que nous avons droit à un bon quatre à cinq pieds de neige, au moins ca ne va pas durer longtemps. 

 

On se retrouve en été et un groupe d’étudiants nous arrive pour faire des travaux de réparation et d’entretient, rien de spécial ci ce n’est que le garçon de Ed Lipinski qui est un des étudiants se retrouve avec une épaule disloquée et doit être évacuer.  En ce qui a trait au travail c’est la routine, communication avec les avions et les rapports de météo les communications sont assurées avec Goose Bay en télégraphie au moyen d’un système de frequency shift sur le beacon.  Nous avions bien deux transmetteurs de 1000 watts  pour les communications orales mais ils étaient en troubles continuellement.  Nous avions aussi un vieux AT3 qui comptait plus de relais que de lampes et qui devait servir pour les situations d’urgence.  Nous avions bien un CN86 pour l’emergency shelter  mais il était encore dans sa boite.  Suite à une inspection de M. Lipinsky, nous l’avons installé.

 

Concernant la météo, nous recevons chaque mois le rapport des erreurs sur nos formulaires de météo horaire et synopsis et je me rends rapidement compte que notre station est en queue de liste, je prends les choses en main et avec la collaboration du personnel, trois mois plus tard, nous sommes en tête de liste ce qui nous vaut une lettre de félicitations de la part du Directeur de la Division météo.  Le reste de mon séjour se déroule sans histoire, comme d’habitude, une foule d’anecdotes me viennent encore à l’esprit mais sans grande signification et début aout, je me retrouve dans l’avion de retour, mon séjour au Lac Éon terminé. 

 

Durant les derniers mois au Lac Éon j’applique sur un concours RO3 pour les stations monitrices et j’ai la chance d’être sélectionné en même temps que Gilles Picotte qui est a ce moment là OIC à Nitchiquon.  Je prends des vacances et je me retrouve à la station de Beaumont fin septembre 1964.  Une nouvelle carrière débute pour moi, c’est du moins ce que j’espère. 

 

Je commence mon séjour à Beaumont et je demeure à l’hôtel Brillant, c’est la meilleure solution pour un célibataire et comme je n’ai pas d’automobile je voyage avec les autres opérateurs.  J’ai l’occasion de travailler avec J-P Gagnon l’OIC ainsi que Laval Desbiens, Yvon Asselin, Charles Mondou et Gilles Picotte.  Plus tard, mon ami Pierre Pageau viendra nous rejoindre.  Dans ce genre de station il y a encore une foule de choses à apprendre car le travail est complètement différent des autres endroits ou j’ai eu la chance de travailler.  Aussi ce genre de lieu de travail que l’on qualifie de ’station de radar’ est  quelque peu mystérieux pour les gens du village et bien que la station aie été là depuis longtemps on se fait encore poser bien des questions.  Durant l’automne je me retrouve à Ottawa pour le cours de ‘Junior monitoring’ qui se donne à l’ancien terminal maintenant converti en centre de formation, je demeure en appartement avec deux autres étudiants avec qui je voyage pour le cours qui se déroule sans histoire.  Le cours se termine pour les Fêtes et mon apprentissage se continu.  Durant l’hiver 1965, l’OIC Gagnon nous quitte pour Ottawa et Yvon Asselin se retrouve OIC.  Je prends des cours de conduite et j’achète ma première voiture un Oldsmobile 1965 ce qui me permet de voyager plus facilement car ma blonde Denise travaille à Québec.  J’en ai vraiment profité au max, j’ai eu la voiture début de juin et début novembre ma garantie de 24k milles était terminée, c’est du millage en quatre mois.  Je comprends bien les jeunes d’aujourd’hui avec leur première voiture.

 

Au printemps 65 on apprend que l’Hydro se propose de construire une ligne de 735Kv et que cette ligne va passer juste devant la station.  On voie monter un à un les pylônes de cette nouvelle ligne qui transportera l’électricité des chutes Churchill.  Entre temps, les travaux débutent pour la construction de la nouvelle station à St-Lambert.  Début 1966, la construction de la ligne est terminée et la mise sous tension est effectuée,  les ‘S meters’ de nos récepteurs Racal sont au max et nous ne pouvons plus rien faire.  Le travail déménage alors à St-Lambert de Lévis et nous procédons à l’installation des consoles et des équipements de surveillance. 

 

Du nouvel équipement vient alors s’ajouter, principalement au niveau du VHF et les nouvelles antennes à configuration variable son installées.  Pour le reste, à ma souvenance, pas beaucoup de changement si ce n’est que nous avons maintenant deux consoles de travail.  Charles Mondou est maintenant l’OIC de la station.  Je me rends rapidement compte que de faire de la surveillance des ondes, trouver des infractions à la règlementation, faire des mesures de fréquences ou des assignements de l’IFRB ce n’est pas aussi intéressant pour moi que les communications radio.  Ainsi sans vouloir retourner comme opérateur,  je surveille les offres d’emploi du ministère et c’est ainsi que je fais application pour un nouveau service qui est prévu entrer en service au début de 1967, soit le Service de Contrôle du trafic maritime.  Au début, on parlait de contrôle mais rapidement, avec la pression des pilotes, surtout, le nom a été changé finalement pour la Gestion du Trafic maritime et ensuite pour les Services du Trafic Maritime ^^ les STM ^^.  Je me retrouve donc en janvier 1967, avec mon copain Pierre Pageau de la station monitrice, dans le groupe des pionniers de la Gestion du Trafic maritime au nouveau centre de Québec, le premier au Canada et même pratiquement dans le monde car ce type de service est vraiment à ces tout début.

 

Ici se termine un chapitre important de ma carrière comme opérateur radio, je dois dire que ces sept années on été bien remplies d’expériences nouvelles et de rencontres intéressantes.  La suite se composera principalement de communication radio à titre de Régulateur du trafic maritime et de membre de la direction de ce service jusqu’à ma retraite en 1995.

 

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